Téléphone

TÉLÉPHONE

 

 

 

 

Assis depuis une minute à table, les assiettes emplies, en ce soir d’hiver, d’une fumante et appétissante soupe où s’entremêlent le goût acidulé du cresson et la douceur d’une pointe de crème fraîche, chacun commence à dîner.

Alors que  les journaux télévisés annoncent probablement quelque désastre en un pays du fin fond du sud de la planète, si ravagé par tout, que même l’ultra-libéralisme international pourtant si ingénieux, n’ose plus y concevoir aucun projet juteux tant ses ressources ont été pressurées, ou interviewent encore  un pompeux homme politique qui s’apprête à lancer, tel un pêcheur sa canne, une déclaration mi-shadockienne, mi-guignolesque, dénonçant des Français de plus en plus fainéants, des écoliers de plus en plus ignorants et des étrangers de plus en plus envahissants, bref, ronchonnant surtout de n’être qu'un élu d'opposition, l’on bavarde, l’on se verse déjà un verre de vin d’un producteur voisin, l’on essuie ses lèvres un peu trop gloutonnes ; dans la cheminée flambent et crépitent des bûches et quelques pignes.

C’est alors que retentit la sonnerie quelque peu démodée et stridente de mon téléphone. Rien d’extraordinaire dans cet infime événement quotidien. Mais, quoi de plus irritant que d’être dérangé par un involontaire importun lorsqu’un moment agréable vient juste d’être entamé. Répondre, signifie, à coup sûr, laisser s’évaporer la plupart de ces degrés Celsius potagers que nul four à micro-ondes ne viendra, ici, remplacer ; c’est aussi abandonner des convives le temps de ce fâcheux intermède.

J’hésite.

         Tout à l’heure, l’on me dira encore une fois : « Mais quand achèteras-tu donc un répondeur ? »

 

 

 

 

 

 

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