La clef (extrait)

 

Vers la fin du XXIème siècle ou le début du XXIIème, Amalia, jeune femme du sud-ouest d'une Fance en proie au réchauffement climatique, après la fin de son Contrat de Travail Provisoire, se retrouve sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, traquée par les Renspols (Renseignements Politiques) pour une affaire à laquelle elle est mêlée par hasard.

***

« Comment ça, elle vous a laissé tomber il y a deux jours ? » s'emporta le Sous-Directeur Régional des Renspols – les Renseignements Politiques – Bastien Moréno, la quarantaine, toujours vêtu très tendance : veste pied-de-poule, chemise gris-clair, col entrouvert laissant entrapercevoir une fine chaîne en or et quelques poils méditerranéens, pantalon noir et chaussures noires en daim.

« Elle m’a dit qu’elle traversait un moment plus difficile qu’elle ne l’avait imaginé, puisqu’elle n’a plus de travail et qu’elle va devoir quitter son logement pour aller chez son amie, et qu’il lui fallait faire le point..

― Vous ne lui avez pas proposé de venir chez vous ?

― Si, mais pour la forme : je partage un petit trois-pièces avec un colocataire ; et puis nous ne nous fréquentons que depuis trois mois. Elle a préféré être hébergée par quelqu’un qu’elle connaît bien, en qui elle a confiance, dont l’aide ne dépend pas des aléas d’un simple sentiment amoureux,  et chez qui elle pouvait plus facilement apporter ses affaires. Je la comprends.

― Alors elle vous plaque brutalement et vous ne réagissez pas ?

― Elle a besoin de calme. Sa décision n’est pas définitive. Elle me contactera quand elle saura où elle en est, tout simplement. D’après elle, il y aura d’autant plus de chance que je la revoie, si je lui laisse gérer comme elle l’entend ses soucis.

― Soit, trancha le Sous-Directeur ; c’est votre problème ! Ça n’explique pas pourquoi vous ne nous avez pas avertis tout de suite !

― Durant ces deux derniers jours j’espérais malgré tout qu’elle revienne sur sa décision et qu’elle m’appelle ; et dans tous les cas il était convenu que je vous rencontre aujourd’hui.

― Quand déménage-t-elle, exactement ?

― Aujourd’hui. »

Le Sous-Directeur faillit s’étrangler.

« Quoi ? Et vous ne nous avez rien dit !

― Je vous avais signalé son projet il y a quelques semaines, dans le cas où elle ne trouverait pas un autre C.T.P. »

Moréno jeta un coup d’œil noir et réprobateur à son adjoint, Timothey Blanchard, lequel pressentait que l’oubli de cette information lui était déjà imputé.

« Mais entre nous, reprit Mathis profitant de ce flottement, hormis vos vagues prétextes d’ordre social et vos craintes d’un hypothétique complot pas très crédible qu’elle m’aurait dissimulé, pourriez-vous enfin m’expliquer réellement pourquoi elle vous intéresse tant ?

― Contentez-vous de ce que je vous ai dit ! répliqua-t-il d’un ton cassant. Pour le reste, c’est à nous de juger ; nous ne faisons rien à la légère. Si elle n’a rien à se reprocher, tout ira bien. Nous devons juste procéder à quelques vérifications, ajouta-t-il en essayant d’atténuer la fermeté de ses propos. De toute façon, vous savez quel était notre marché ?

― Parfaitement. Mais il n'était pas prévu qu'elle ne veuille plus me voir.

― Considérez-vous comme en sursis, rappela Moréno en accentuant, cette fois, la pression sur Mathis. Vous serez surveillé. Je déciderai dans quelque temps de votre sort. En tout cas, à la moindre nouvelle, prévenez-moi. Rappelez-vous que l'oubli de vos propres turpitudes politiques et la certitude d'avoir une place assurée dans une administration régionale valent bien une fille juste rencontrée et qui vous jette peu après, quoi qu’elle dise pour vous faire patienter – et que vous preniez, bien entendu, votre carte du  « Parti du Président »  afin  de nous assurer  de votre fidélité... »

 

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