Dérive, suivi de Escale

 

 

DÉRIVE

  (extraits)

 

Insolite étincelle

Suspecte de fraîcheur

Comme une île qui se dévêt

Soudain

De son silence

 

Fragment lointain de sécheresse

Mêlé de pailles encor* tièdes

 

Ta parole scintille et de nuit et de songes

 

 ***

 

Sous l'écorce des mots

J'ai vu trembler leur âme

En des frémissements si éphémères

J'ai vu les astres décliner

Et des vents qui défiaent les saisons

 

***

 

Battements de la pierre

Dans le creux des tempêtes

Quand les vagues se brisent

 

Le vent fatigué de ses colères 

Marines

Passe

Sur les sables tièdes

Et se perd

Dans les chemins de terre

 

Restent les naufragés

 

***

 

Derrière

Ta voix

Gronde une pluie

 

Même le ciel s'étire au-delà de tes mots

 

Herbes violentes des tempêtes

Cheveux abandonnés au vent

 

***

 

Un fond d'espoir est resté dans ta mémoire

Mais aucun mot

Malgré le désir

De dire

 

***

 

Interminables rhythmes*

Où les notes bousculent

Des effluves de rhum

Où de profondes voix

Parfumées de coco

Saoulent de volupté

Des corps indiscernables

 

***

 

Aube

 

Chant de brume

Grave

Comme un ciel qui s'effondre

Un matin

 

Souffle lunaire

Aussi vieux que le temps

Quand les étoiles

N'existaient 

Que 

Pour elles-mêmes

 

***

* graphie poétique ou ancienne.

 

 

        *****

 

ESCALE

  (extraits)

 

Ivresse ensevelie

Sous les cendres câlines

D'un matin embrumé

 

Tel un ruban de soie

Qui affleure la terre

D'une douce lenteur

 

***

 

Univers emporté par le temps

Depuis son souffle primordial

Univers entraîné par le souffle

De son temps primitif

 

Jusqu'à l'ultime trace

D'une matière obscure

Sédimentée

Dans chaque dimension

 

Confluence insaisissable

Dans un repli fugace et fulgurant

 

***

 

Cet océan

Qui coule dans tes veines

Depuis tant de marées

 

Il a brassé les sables

De tant de continents

 

Il a griffé les côtes

Dans ses grandes colères

 

Il les a caressées

Aussi

 

***

 

A l'extrémité de sa propre histoire

Ce pin immuable

 

Conscience souterraine

Dans les méandres des racines

Vers les sables profonds et anciens

 

Sens-tu aussi sous son écorce

La respiration lente

D'un monde silencieux

Le murmure des siècles enfouis

 

Vois-tu ces ombres successives

Naître chaque matin

L'accompagner

Et puis s'évanouir

 

Entends-tu l'incessant bavardage

Avec le vent

 

***

 

Et ce roc tailladé

Par l'hiver

Pense-t-il à la pluie

Qui ruissela sur lui

Ou à l'été torride

 

***

 

Ô verre 

De vin

Divin

Venin

Cru de la terre

Et de ceps sages

Tu dévoiles ton âge

Et offres tes mystères

 

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